LE DOLMEN DU COLOMBIER 72800 commune d'AUBIGNE-RACAN
Situé en fond de vallée , à une altitude approximative de 56 m , le dolmen du Colombier est voisin du dolmen de la Pierre ( 0,5 km ) , du menhir du château de Bossé ( 0,8 km ) , on trouve non loin le dolmen de la Pierre Couverte à Vaas ( 6.1 km ) , le dolmen d’Amenon à Saint Germain d’Arcé ( 7,8 km ) , le menhir du Perray à Beaumont Pied de Bœuf ( 12,6 km ) , pour ne citer que les monuments les plus proches dans une région limitrophe entre le Maine , la Touraine et l’Anjou , où les structures mégalithiques demeurent assez nombreuses .
On voit apparaître le monument en contrebas de la départementale joignant Coulongé à Mayet , à environ 200 m de celle-ci , du côté opposé de la route par rapport à la ferme du Colombier dont le pigeonnier est bien reconnaissable .
Le relevé de la structure est le suivant :
Plan J.Rioufreyt , Cl.Lambert op. cit.
Photo 1 ( M.Ravoisier)
Il s’agit d’une structure mégalithique de taille moyenne de dimensions approximatives : longueur 8m , largeur 3m , hauteur 1m 50 .
L’orientation de la chambre funéraire est de 110° Est . Celle-ci comporte 2 volumineux orthostates au Nord comme au Sud . Elle est cloisonnée par deux blocs dressés perpendiculaires au côté sud qui la divisent en 3 parties . Le chevet est composé de 3 dalles : les 2 éléments situés côté Sud résultant probablement de la fracturation d’un même bloc , l’élément situé au Nord venant sous un important surplomb situé dans cette direction , de la dalle de couverture .
Photo 2 : vue côté Nord ( M.Ravoisier )
A ce niveau , une première interrogation se pose : le considérable débord de la 2e dalle de couverture n’avait il pas été mis à profit pour la constitution d’un volume type cella , comme sembleraient l’indiquer le bloc en prolongement de la dalle de chevet à l’Ouest , et les blocs se trouvant à l’aplomb du bord est de la dalle de chevet ?
Voir à la fin : Mise au point
Photo 3 : cella ? ( M.Ravoisier )
Une deuxième interrogation surgit de la constatation , dans le débord signalé de la dalle de couverture , d’une perforation ronde , parfaitement calibrée , semblant préparée – du moins à la face inférieure – par un bouchardage de la dalle . Indéniablement d’origine anthropique cet orifice suscite le questionnement . Si l’on peut parfois , sur certaines sépultures , trouver un orifice communiquant avec un vide laissé derrière la dalle de chevet ( seelenloch * ) , cette particularité concerne la chambre funéraire . Je laisse à chacun son interprétation personnelle de cet artefact .
Photo 4 : perforation dalle de couverture ( M.Ravoisier )
*littéralement : « le trou de l’âme »
Photo 5 : vue côté sud – Ouest ( M.Ravoisier )
Les dalles de couverture , d’une épaisseur moyenne de 50 cm , sont au nombre de deux , assez massives , se joignant étroitement par une configuration évoquant une charnière : Des jonctions de ce type se rencontrent avec une certaine fréquence sur ce type de monuments , lorsque la dalle de couverture n’est pas unique . Les exemples qui me viennent à l’esprit : le dolmen de la Pierre Couverte à Duneau , le dolmen des Roches , à Vouvray sur Huisne . Je ne suis pas en mesure de discriminer si cela est lié au hasard , dû à un choix particulier des blocs ou encore à un aménagement de ceux-ci ( par bouchardage ? )
Un fait acquis sur d’autres structures , notamment des allées couvertes scandinaves , dont le cairn encore présent a pu être fouillé , est que les constructeurs semblent avoir recherché une étanchéité la plus rigoureuse possible de la chambre funéraire vis-à-vis des précipitations .
Photo 6 : jonction des dalles de couverture . ( M.Ravoisier )
L’entrée du monument se signale par de nombreux blocs dont il est permis de douter que nombre d’entre eux soient en place . Toutefois , on peut considérer la présence de deux orthostates et d’un troisième bloc effondré au sol entre ceux-ci , l’ensemble étant évocateur d’un trilithe d’entrée , légèrement surbaissé par rapport au reste de la structure . Cette constatation , associée à celle que tous les éléments de la structure sont de grandes dimensions , donnant à l’ensemble un indéniable aspect de monumentalité massive , font évoquer un dolmen angevin . Cette monumentalité est à rapprocher de celle du dolmen de Duneau déjà cité , plus au Nord du département , qui est décrit comme tel .
Ces éléments permettraient d’évoquer la construction du monument au Néolithique Moyen soit à la première moitié du 4 e millénaire , par comparaison architecturale avec le dolmen des Erves à Ste Suzanne ( 53 ) dont la fouille de la fondation d’un des orthostates a permis de découvrir un pic en bois de cerf . Cette matière organique a fait l’objet d’une datation 14C à environ 3750 BC .
Cette date peut être considérée comme un terminus post quem
Photo 7 : dolmen de Duneau
Photo 8 : dolmen du Colombier , côté Est , restes du portique d’entrée . ( M.Ravoisier )
Comme on le remarquera , la chambre funéraire a été fermée à une époque récente par la construction d’un muret en maçonnerie : c’est une mesure de protection prise par le propriétaire actuel !
Le matériau de construction est majoritairement un grès éocène extrêmement résistant en dalles . On notera que de très nombreux blocs de tailles et de natures très diverses ( poudingue , grès roussard ) encombrent la périphérie du monument , ainsi que divers débris : traverses de chemin de fer , branches diverses .
On peut supposer que le lieu fait office depuis un bon moment de murger d’épierrage des champs voisins - plus que vestiges du cairn - et même- peut-on dire- de dépotoir .
Photo 9 : épierrage ( M.Ravoisier )
Ceci est confirmé par un certain état de délaissement de la structure , au milieu des plantations céréalières venant quasi au ras des dalles , sans vraiment de chemin d’accès .
Il semblerait néanmoins que les choses bougent : sur notre suggestion , la commune d’Aubigné-Racan , le propriétaire et l’agriculteur locataire sont d’accord pour améliorer l’aspect extérieur et l’accès , la commune se proposant pour entretenir la structure : balisage , végétation et propreté et pour l’inclure sur le trajet d’un sentier de randonnée .
Discussion : la bibliographie n’abonde pas concernant le dolmen du Colombier qui est cité dans la thèse de doctorat de Gwenolé Kerdivel , qui fait lui-même référence à une étude de Lambert et Rioufreyt . Contrairement à ce qui figure dans la majorité des guides touristiques il ne s’agit pas selon moi d’une « allée couverte ». S’oppose à cette définition l’architecture du bâtiment qui comme on l’a vu plus haut , l’apparente plutôt aux dolmens de type « angevin » , contemporains du Néolithique moyen II ( culture Chasséenne ) ce qui lui confèrerait une ancienneté supérieure de presque un millénaire sur les structures de type « allée couverte » , contemporains du Néolithique récent voire final : 2800 à 2220 BC . Signalons toutefois que nombre des structures funéraires de ce type ont connu des durées d’utilisation très longues pouvant aller de la fondation jusqu’à l’âge du bronze ancien .
Pour certains auteurs , les dolmens angevins de type B selon la définition de M.Gruet , pourraient constituer une transition architecturale entre les dolmens à couloir et les allées couvertes .
En l’absence de résultats de fouilles pouvant donner une indication sur l’existence d’un cairn et sa morphologie , sur la découverte éventuelle d’éléments mobiliers ( outillage lithique , céramique , éléments de parure ) ainsi que d’ossements ou d’éléments datables , il reste très conjectural d’accorder un ordre de grandeur de datation à cette structure d’autant que les sépultures mégalithiques ont pu faire l’objet d’une utilisation et de réutilisations sur des périodes très longues : plusieurs siècles voire un millénaire comme on l'a vu plus haut .
Ceci mériterait une exploration soignée sur le plan archéologique , à condition que les époques précédentes n’aient pas « vidé » la structure , comme cela se voit sur nombre d’entre elles qui étaient réputées contenir un « trésor » , bien à tort car le seul trésor que peut recéler ce type de monument consiste en l’information archéologique qu’il véhicule .
M.Ravoisier Ch.Poussin
Gwenolé Kerdivel : Occupation de l’espace et gestion des ressources à l’interface entre massifs primaires et bassins secondaires et tertiaires : l’exemple du Massif armoricain et de ses marges au Néolithique , thèse de doctorat , présentée le 17/12/2009 ( UMR 6566 RENNES )
LAMBERT C. et RIOUFREYT J. (1983) – Les Temps préhistoriques, in : Levy A. (dir.) – La Sarthe des Origines à nos jours, Saint-Jeand’Angély, Bordessoules, p. 30-37.
Gruet Michel. Dolmens angevins à portique. In: Bulletin de la Société préhistorique de France, tome 53, n°7-8, 1956. Travaux en retard. pp. 397-401;
Torden DEHN & Svend I. HANSEN : « Architecture mégalithique en Scandinavie. Megalithic architecture in Scandinavia. » , in « Origine et développement du mégalithisme dans l’ouest de l’Europe » actes du colloque international du 26 au 30 Octobre 2002 , volume 1 : « Monuments funéraires » . Musée des Tumulus de Bougon 79800
Laporte Luc: Projet d'article - soumis mai 2013 - Actes du colloque international de Saint-Pons-de-Thomières, Sept. 2012. Menhirs et Dolmens : deux facettes complémentaires du mégalithisme atlantique ?
Frédérik Letterlé : Le monument mégalithique des Erves à Sainte Suzanne ( Mayenne ) et ses implications chronologiques revue archéologique de l'Ouest , supplément N°1 , pp. 149 à 164
Mise au point :
Dans l’article ci-dessus sur le DOLMEN DU COLOMBIER ( 72800 AUBIGNE-RACAN ) , il était évoqué la possibilité d’une structure latérale additionnelle type cella , cette hypothèse étant soulevée par l’existence d’un important débord de la dalle de couverture côté ouest .
Or s’il existe bien de telles structures accolées à certains dolmens du néolithique moyen ( Dolmen N°2 de Puyraveau , structure funéraire de la Pierre Virante à Xanton-Chassenon ) , elles sont le produit d’une période plus récente (Néolithique final ) aussi bien pour le dolmen N°3 de Puyraveau que pour le petit dolmen additif de la Pierre-Virante . Il n’y a en aucun de ces deux cas partage de la dalle de couverture , ce qui techniquement -de plus- paraît de réalisation peu envisageable .
Par ailleurs comme le signale Gwenolé Kerdivel : « une cella se trouve obligatoirement dans l'axe du monument et fait partie des éléments architecturaux typiques des allées couvertes de type armoricaine essentiellement »
Il faut donc abandonner cette idée de structure accolée .
La poursuite de la discussion avec Gwenolé Kerdivel fait plutôt évoquer l’hypothèse , pour cette dalle de couverture sur-dimensionnée , du remploi d’une stèle .
Le cas est bien connu concernant des mégalithes bretons « vedettes » du Morbihan : la Table des Marchands , le Mané-Lud , Gavrinis et pour d'autres monuments dont la construction à réutilisé d'anciens polissoirs ; il est moins documenté concernant d’autres localisations sur le territoire mais c’est éminemment une hypothèse à retenir d’autant que la perforation observée peut parfaitement être compatible avec une stèle comme c’est le cas pour la Pierre Percée de Draché ( 37 ) , la Pierre Fiche de Duneau ( 72) , la Pierre Potelée de St Jean de la Motte ( 72) et certains menhirs d’Eure et Loir .
M.Ravoisier