Dolmen de Thizay ( 37500 ) : disparition inquiétante d’un polissoir ….. ( mouvement d’humeur ... )
Dans son inventaire des mégalithes de l’Indre et Loire réalisé dans les années soixante , G.Cordier fait figurer en page 83 le dolmen de Thizay dont la particularité est d'être porteur , au niveau de 2 de ses orthostates de polissoirs en remploi .
Nous ne reviendrons pas sur sa description de cet intéressant monument dont je copie ci dessous le plan figurant sur la base Mérimée :
Or , si la redécouverte d’un de ces 2 éléments a été relativement simple au niveau de la base du 3e orthostate Sud en dégageant prudemment un peu de feuilles mortes de mousse et quelques ronces :
Celle de l’élément signalé au niveau de la face interne du 1er pilier Nord – celui dont la face opposée porte des stries parallèles verticales – s’est avérée totalement impossible lors de ma première visite .
Après relecture de l’inventaire de G.Cordier et consultation de la base Mérimée , qui me livrent les renseignements suivants :
" polissoir à deux rainures et une cuvette sur la face intérieure du premier support de droite ( ce même bloc porte à l'extérieur une douzaine de stries verticales "
Je suis donc revenu sur les lieux à la recherche de cet hypothétique polissoir ….
Or , à l’emplacement désigné , on retrouve ceci :
Ce qui , à première vue n’a rien d’un polissoir ….. Mais en se concentrant sur le triangle en relief au milieu de l’image ci-dessus et en touchant la roche , on palpe une zone très lisse , polie en apparence .
Il pourrait très bien s’agir d’un fragment de la cuvette de polissage signalée par G.Cordier , resté accroché au bloc initial
Par ailleurs , la partie supérieure de la face interne de l’orthostate semble avoir été le siège d’un vaste enlèvement .
( En bleu turquoise : contour supposé de l’enlèvement , en rouge : zone de polissage restante )
Pour une raison qui reste à déterminer mais qui n’est certainement pas liée à l’érosion naturelle , il semblerait donc bien que l’un des polissoirs du dolmen de Thizay a pratiquement disparu . On a du mal à plaider une origine accidentelle à cette déprédation . Dans ce cas , on trouverait peut être au pied du bloc quelques fragments détachés, ? Ce qui n’est nullement le cas . Vraisemblablement il s’agit d’un vol , toutefois , ne pouvant emporter l’orthostate entier , le délinquant s’est autorisé à le dégrader
Le « prélèvement » n’est au demeurant pas d’une grande qualité d’exécution, c’est le moins qu’on puisse dire : on n’ose imaginer dans quel état s’est retrouvée le polissoir après l’ « opération »
Ce phénomène n’est pas exceptionnel puisqu’il semblerait qu’il en ait été de même pour un orthostate du dolmen de Saint Antoine du Rocher , dont une partie d'un pilier porteuse d’un polissoir aurait été ainsi « prélevée » .
Il est avéré , par ailleurs , qu’il existe un « marché » pour de tels objets , dont on peut trouver des exemplaires ( authentiques ou présumés tels ? ) sur des sites grands publics bien connus des internautes .
Soulignons encore une fois la nullité d’un tel comportement : la valeur intrinsèque de l’objet reste avant tout liée à sa signification archéologique et à l’information qu’elle véhicule . Celle-ci ne peut être dissociée du contexte où les hommes du Néolithique l’ont laissé .
On a au demeurant du mal à faire le lien entre la « valeur » marchande qu’on est enclin à supposer nulle de ces structures funéraires , si l’on en croit le fait que le plus grand nombre d’entre elles est laissé disséminé dans la nature ( la plupart n’ayant pas fait l’objet d’une mesure de classement à l’inventaire des monuments historiques ) , ne suscitant qu’indifférence de la part des propriétaires ( quand ce n'est pas une hostilité larvée ) et - on peut le dire- des services compétents de l’état ; et paradoxalement , la valeur marchande que nombre d’objets issus de la Préhistoire atteignent sur des marchés parallèles .
M.Ravoisier
Bibliographie :
G. Cordier : Inventaire des mégalithes de France : 1 ) Indre et Loire , Gallia Préhistoire , 1963 .